« Architectes et sociologues, des hommes de bonne volonté », Communications, n° 73 /2002, « Modes d’habiter », p. 125-148.

Texte intégral de l'article



“ S’occuper de l’homme,
et non du capitalisme ou du communisme ;
du bonheur de l’homme,
et non du dividende des sociétés ”.
Le Corbusier, La Ville radieuse, 1935



Le regard des sciences humaines sur l’habitat se tourne d’abord vers les politiques et l’économie du logement, les mobilités résidentielles, l’histoire des mœurs ou les manières d’habiter, en oubliant que les espaces sont rendus habitables, ou inhabitables, par des architectes qui, avec les maîtres d’ouvrage (les commanditaires) et les entreprises, partagent la responsabilité de l’acte de construire . Les architectes travaillent la matière du logement au moyen de savoirs et de savoirs-faire engageant l’art et la technique, et selon une histoire autant liée à la théorie architecturale qu’aux arts plastiques et aux modes de vie . Ce dernier objet justifierait à lui seul que les sociologues se convoquent au banquet, s’ils n’avaient pas déjà été conviés à la grande fête française de l’expérimentation, face aux architectes plutôt qu’à leurs côtés. Leur mission d’évaluateurs “ après occupation ” des opérations de logement les charge parfois d’un rôle de censeurs et de donneurs de leçon généralement peu prisé des architectes. Mais pourquoi innover en architecture, pour quelle modernisation ? Celle de l’habitat, celle de l’habitant, celle du corps des Ponts et Chaussées ?
L’ajustement entre les manières d’habiter et l’architecture demeure la question centrale. L’architecture doit-elle représenter l’usage, le traduire au risque de le trahir ? Doit-elle en anticiper les tendances, au risque de produire une architecture d’anticipation davantage prisée par les éditeurs que par les usagers ?
L’observation in vivo par des sociologues , voyeurs, pour la bonne cause, des manières d’habiter les logements expérimentaux, a peu d’effet de retour auprès des architectes expérimentateurs, qui se montrent peu soucieux des effets de leurs propositions sur les usages, à croire que l’observation télévisée de jeunes gens encagés dans un pseudo-loft retient davantage l’attention que le suivi de vrais dispositifs architecturaux sur les populations laborieuses ! Les architectes se défaussent en renvoyant aux évaluateurs leurs problèmes d'objectif et de définition sous prétexte d’illisibilité, de dispersion et de désaccord des savoirs. Cela ne signifie pas que les architectes ne cherchent pas à approfondir, à corriger, à perfectionner l'objet de leur expérimentation, mais que le travail de validation s'effectue à travers leur propre expérience à concevoir tel dispositif, à le faire accepter par le client et à le faire exécuter par l'entreprise. On est donc très loin de la démarche expérimentale héritée des Lumières, ce qui ne serait somme toute qu’un débat entre spécialistes s’il n’impliquait pas la vie quotidienne des habitants.


LES HABITANTS, DES INDIVIDUS COLLECTIFS

L’architecte face aux manières d’habiter

En mettant en évidence l’opposition compétence/performance, N. Chomsky préparait la formidable théorie de l’usage construite par P. Bourdieu dans l'Esquisse d'une théorie de la pratique (1972). Il inspirait aussi H. Raymond, à qui la notion de compétence (linguistique) convenait particulièrement pour illustrer les moyens d'expression de l'habitant, puisque c'est par la pratique et par la parole que l'habitant énonce le système entre espace et société . La compétence c'est donc un savoir-dire, un savoir-être et un savoir-faire. Mais l'affirmation de la compétence, c'était aussi pour H. Raymond une prise de position éthique, voire politique, contre une technostructure et des intellectuels qui prétendaient alors l'habitant aliéné, incapable, incompétent.
Depuis les années quatre-vingt, l’emploi du mot “ usage ” s’est progressivement imposé pour désigner les pratiques . C’est une manière de confondre théorie et pratique, compétence et performance, qui empêche de prendre les usages pour ce qu’ils sont : des coutumes sans contenu rural, des mœurs sans contenu moral, bref, des normes sociales, “ produits de l’action et des institutions ” (S. Juan) . La dispute n’est pas jésuite en ce qui concerne le logement, car architectes et sociologues (et sociologues entre eux) débattent toujours sur la nature des changements dans les manières d’habiter. Il appartient aux sociologues-traducteurs des modes d’habiter, plus réputés pour leur prudence que pour leur flair, d’effectuer un choix parmi tous les faits de société jetés sur le marché. En prenant comme référence 1945, qui est l’antichambre d’une période de modernisation des mœurs, réellement sensible à partir du début des années cinquante seulement, l’évolution des manières d’habiter relève de trois ensembles : vie publique/vie privée, parents/enfants, hommes/femmes.

- Vie publique/vie privée

La notion de “ cocooning ”, traduction plaisante du “ recentrage sur la vie domestique ” des sociologues, est une simple augmentation du temps passé chez soi, suite à la diminution du temps de travail et à l’accroissement des dépenses d’équipement domestique, où la télévision et ses accessoires occupent une place de premier plan. La vie domestique est une tranche de la vie privée, laquelle suscite la gourmandise des sociologues, qui en ont fait un véritable objet sociologique. Il est plus intéressant d’interroger le clivage public/privé par le second terme que par le premier, quitte à glisser du public/privé au collectif/individuel. La conviction que c’est “ depuis leur intimité que les acteurs risquent de contribuer à changer le plus la société ” est un renversement que J. Remy et F. de Singly poursuivent jusque dans le couple et même dans l’individu . Les sociologues manquent toutefois de replacer leur interrogation dans la perspective anthropologique et historique de l’évolution du sentiment de l’identité individuelle. Du reste, les historiens soutiennent que ce sentiment est toujours plus fort qu’on ne le croit : chaque siècle connaît sa (re)naissance de l’individu . Sont en revanche bien étudiés les modes de sociabilité selon les types d’urbanisation et selon les groupes sociaux. Contre l’opinion répandue, Y. Grafmeyer a observé que les cadres, forts en liens faibles, ont néanmoins avec leurs voisins les contacts les plus nombreux et les plus riches. Cet équilibre ne se retrouve pas chez les ouvriers, pour lesquels le logement est toujours l’espace de l’intimité familiale où l’on reçoit peu voisins et amis. Le repli populaire vers la maison individuelle, retraite forcée depuis un habitat collectif non choisi – à la différence des cadres – s’inscrit donc dans une tradition de sociabilité qui n’empêche pas des relations de voisinage dans les nouveaux quartiers pavillonnaires.

- Parents/enfants.

Au début des années cinquante, le ratio d’un enfant par chambre n’était pas le credo qu’il est devenu. Aujourd’hui, toutes les familles souhaitent abaisser la norme d’occupation des chambres et séparer au plus tôt garçon et fille, qui n’en demandent pas tant —au moins les parents montrent-ils ainsi leur croyance envers la sexualité infantile. Vient ensuite le retard de la décohabitation juvénile est bien connu des journalistes et des démographes qui ont constaté, plus ravis que désappointés, que leurs fils et leurs filles demandaient la prolongation de l’hébergement parental. En fait, dès 1975, il apparaissait que la décohabitation des jeunes était à la fois plus précoce et plus tardive qu'auparavant , selon un double mouvement : d’émancipation pour certains, de maintien au domicile parental pour d’autres, surprenant dans une société qui prône l'autonomie des enfants dès l'âge de raison pour finalement les garder à la maison jusqu'à vingt-cinq ans et plus.
Quelle est l’implication sur le logement des cent mille enfants partageant véritablement leur vie entre deux foyers à la suite d’un divorce et, éventuellement, d’une recomposition familiale ? La pratique de l'alternance implique que ces enfants vivent une semaine sur deux, ou bien un week-end sur deux, chez l'autre parent, qui veut donc disposer d'une chambre pour les accueillir . Or, c'est par le statut de cette chambre d'enfant que l'on entre dans l'espace des relations familiales, où la notion de besoin demande à être revisitée. Contrairement à ce que l’on a parfois cru, chacun des deux membres d’un couple séparé a besoin d’un grand appartement pour loger les enfants, même temporairement. Comment le logement social peut-il administrer la géométrie variable des familles recomposées et les besoins fluctuants de l’hébergement des enfants ? Dans le secteur privé, la question se résout par la capacité des ménages à payer une chambre supplémentaire ; en HLM, c’est la même chose quand les gestionnaires ne respectent pas à la lettre les critères d’attribution, ce qui favorise les locataires les plus aisés. Hormis cette incidence sur le parc de logements, qui regarde ses programmateurs, il n’est pas sûr que les architectes aient à intervenir dans l’arbitrage des conflits conjugaux.

- Hommes/femmes

La progression spectaculaire du travail féminin ne doit pas faire oublier que le statut de la femme au foyer ne fut dominant que des années vingt aux années soixante. La rapidité de cette progression sur deux générations, associée à d’autres conquêtes dans le domaine de la sexualité, de la procréation et, plus récemment, de la représentation politique, va toutefois plus vite que la musique des mentalités, dont le partage des tâches domestiques est une scène étroite, mais significative : à nouveaux pères, nouveaux maîtres de maison ? La recomposition des rôles masculins et féminins suppose-t-elle, à son tour, une traduction dans l’espace ?
On doit se reporter, dans le magnifique Monde privé des ouvriers, d’O. Schwartz , à l'évolution de l'histoire ouvrière, en partie transposable dans la situation de précarisation de certaines couches moyennes. O. Schwartz constate que, pendant une première période historique (jusqu’en 1945), la forte vie collective du groupe a accompagné la phase prolétarienne ; en un second temps (les trente glorieuses), la reconnaissance de la vie privée ouvrière a suivi l’amélioration des conditions de vie. Dans la logique de ce mouvement, la reprolétarisation devrait conduire les ouvriers à se retourner vers le groupe. Or, Schwartz note au contraire le renforcement de la valeur organisatrice centrale de la famille. Les indices donnés par différents auteurs pour d'autres catégories sociales vont dans le même sens : le développement du pôle privé semble irréversible, ce qui signifie un repli toujours plus grand vers le logement, mais pas seulement : vers la voiture, le cabanon ou la caravane aussi. En revanche, le renforcement de la fermeture des rôles sexuels dans les familles ouvrières, à la suite de la crise économique, pourrait accentuer une différence entre les ouvriers et les autres catégories, où les tâches sont mieux partagées . Comme d’autres observateurs (F. de Singly , D. Welzer-Lang et J.-P. Filiod, notamment), O. Schwartz confirme que la notion de maîtresse de maison n'est en rien désuète, tant l'espace du logement demeure pensé, gouverné, rangé, nettoyé par les femmes. En France, celles-ci assurent quatre-vingt pour cent des tâches ménagères ; la réduction du temps de travail va-t-elle réconcilier le couple ? Interrogés sur l’utilisation du temps libéré, les hommes évoquent leurs loisirs, le temps consacré aux amis, aux activités à fort investissement personnel, telles que le bricolage, le jardinage ; les femmes, elles, affirment toutes consacrer plus de temps à la maison et à leur famille . Comme le chômage, la RTT accentuerait donc les différences entre couches sociales ; les cadres partent en famille pour de grands week-ends, alors que dans les milieux populaires, chacun regagne sa place à la maison : curieux retour de bâton de ce qui semblait aller de l’avant ! On savait le travail, avec l’éducation, principal moteur de l’émancipation féminine ; on voulait croire que la fusion des rôles masculins et féminins était une question de temps. Or, il suffit que la pression du travail dans le temps social se détende pour que les rôles durcissent en se refroidissant. J. Remy tire de l’œuvre d’E. Goffman une réflexion sur la primarité et la secondarité qui enrichit le concept d’appropriation en recherchant le rapport paradoxal entre l’individu et le social. Les espaces de secondarité, “ ceux où l’on peut mettre à l’écart les exigences du rôle et les effets du contrôle social ” , sont les lieux secondaires du logement principal et, bien sûr, ceux de la seconde résidence et de la bi-centration qu’elle permet. Mais la secondarité, c’est aussi un rapport alternatif à l’espace public de la ville, opposé à l’espace domestique, avec un mode de sociabilité propre, comme un ailleurs chargé d’un autre sens.
Les effets des rôles sur les usages du logement avaient été identifiés par les auteurs des Pavillonnaires (1966) , à qui l’on doit les premières observation de structuration symbolique de l’habitation urbaine (masculin/féminin, privé/public, devant/derrière , etc.). La cuisine est-elle toujours le lieu féminin qu’elle était ? La bonne volonté masculine ne saurait suffire à en modifier l’identité, car si Monsieur et Madame composent ensemble la cuisine chez le “ cuisiniste ”, ce qui est pour Monsieur une manière de “ faire ” la cuisine, c’est incontestablement Madame qui sera aux fourneaux plus tard, ce qui justifie qu’elle la fasse sienne . Dans les années quatre-vingt, le succès de la cuisine “ américaine ” ouverte, imposée dans les petits appartements alors qu’elle convient mieux aux grands, est dû au symbole de modernité qu’elle représentait : “ la femme n’est plus assignée à la cuisine ”, disaient les femmes interrogées dans les enquêtes, en parlant comme les journalistes et comme les sociologues. Mais, depuis longtemps, la préférence dominante va à une grande cuisine-coin repas, ce qu’ont admis les maîtres d’ouvrage qui la prescrivent à des architectes n’ayant pas tous renoncé à la cuisine-laboratoire. C’est à partir des symboles forts de la préparation des repas et de la commensalité que la cuisine est devenue la pièce de la femme et de la mère et, plus que le séjour, un lieu d’échange mère/enfants (le goûter et les devoirs) et surtout mère/fille. Des relations “ de secret et de transparence ” dans le couple et dans la famille (de Singly) , les architectes gardent de préférence les secondes : le logement est d’autant plus une métaphore de la famille moderne, ouverte à la communication intérieure et extérieure, qu’il est d’une taille minimum. L’architecte s’emploiera à en donner une illusion maximum – à la suite de Le Corbusier, qui, dans ses maisons en série pour artisans (1924), par exemple, avait déjà mis en évidence l’avantage de la diagonale de dix mètres dans un carré de sept mètres de côté.
Côté masculin, la demande pour des espaces de secondarité (bricolage, bureau, jardinage) participe toujours autant du mythe pavillonnaire, qui ne s’épuise pas, bien au contraire, les candidats à la maison individuelle étant encore trop peu nombreux à lire les sévères mises en garde de P. Bourdieu . Les chiffres montrent sans ambiguïté qu’en moyenne, les maisons en accession à la propriété sont deux fois plus grandes que les appartements loués (114,8 m2, pour 63 m2 en collectif ), sans compter le jardin et ses annexes. Qui ne voudrait pas croire à un tel mythe ?

L'INNOVATION ARCHITECTURALE, UNE IDEE FRANCAISE

Les sociologues se méfient des architectes visionnaires, de leur droit de regard et de leur prétention sur les modes de vie. Grâce à A. Kopp , l’écho de la “ reconstruction du mode de vie ” que proposaient les constructivistes russes des années 1920 retentit en France jusqu’après 1968 avec des slogans tels que “ changer la vie, changer la ville ” ou “ architecture et révolution ”. On se souvient qu’en contrepartie des concessions de la NEP, Trotsky avait entrepris à partir de 1921 une action culturelle de grande envergure pour expliquer au peuple les objectifs de la révolution. Beau prétexte pour les plus inspirés des architectes révolutionnaires, qui inventèrent des dispositifs architecturaux destinés à traverser le siècle, comme si l’architecture constructiviste avait moins vieilli que le projet politique dont elle se réclamait. Les relations entre Le Corbusier et les constructivistes —par exemple, les échanges entre les duplex inversés, empruntés par L-C à Sobolev et à Ivanov, et les pilotis et le toit-terrasse, repris de L-C par Ginzburg —, ou bien les sympathies de F.-L. Wright pour l’URSS montrent que la volonté d’Ubermensch, passant ici par les voies de l’urbanisme et de l’architecture, était un idéal largement partagé. Au bout du compte, les malheureux constructivistes auront surtout contribué à inspirer leurs confrères européens, avec Le Corbusier comme passeur génial, qui inspirera à son tour plusieurs générations d’architectes déterminés à donner au peuple le meilleur de l’architecture du logement. Avec l’Unité d’habitation de Marseille (1945-1952) (fig XXX), Le Corbusier fut en effet le premier a engager l’architecture du logement dans une double expérimentation technique et sociale. De l’avant-guerre français, les historiens de l’architecture retiennent surtout, outre les maisons de Pessac (1924-27) du même Le Corbusier, l’expérimentation de Beaudouin et Lods dans la cité de la Muette à Drancy (1931-1934) . Par ailleurs, hors la mise au point du béton armé et l'invention des gaines “ shuntées ”, puis de la ventilation mécanique contrôlée, lesquelles ont permis d'épaissir la profondeur des immeubles en plaçant les salles de bains au centre du logement, aucune innovation technique n'a eu d'incidence notable sur ses typologies. A Marseille, Le Corbusier livre un chef d’œuvre totalisant, qui manquera aux répliques de Rezé, Berlin, Briey-en-Forêt et Firminy, en partie privées des équipements et du lyrisme plastique de l’original. La critique n’a pas manqué de relever le paradoxe de ce processus expérimental à l’envers, où les réalisations vont s’appauvrissant . Le Corbusier n’en fut pas moins le premier, depuis ses études pour les maisons Dom-ino (1914), le dessin de l’immeuble-villas (1922) et ses essais d’industrialisation du chantier de Pessac à avoir mené de pair une réflexion théorique (idéologique, selon certains) et une pratique professionnelle —certes plus limitée que grand nombre de ses contemporains “ tireurs de barres ”. Après sa mort (1965), la messe n’était pas dite mais une pensée était écrite, ce qui explique peut-être pourquoi les architectes français furent moins théoriciens que leurs confrères italiens ou britanniques. Il n’empêche qu’à sa suite, les “ brutalistes ” français ont fondé une authentique culture française de l’architecture du logement impliquée dans le progrès et le changement social et non complice des grands ensembles.
C’est contre ces derniers qu’en 1971, des technocrates éclairés aussi différents que Robert Lion et Paul Delouvrier créaient le Plan Construction , lequel, malgré sa dénomination soviétique, ne visait pas à mettre en place de nouveaux condensateurs sociaux, mais, entre autres actions, incitait les architectes, qui n’attendaient que cela, à “ favoriser ”, “ faire émerger ”, “ accompagner ” de nouveaux modes d’habiter, un peu à la manière dont les emballages de plats préparés illustrent des “ suggestions de présentation ”. C’est ainsi que l’habitant fut successivement accommodé à la sauce non-orthogonale (plans courbes, en octogone, en triangle) , à la sauce aromatique (“ maisons des cinq sens ” ), à la sauce loft, etc. Cela dit, la table généreusement ouverte du Plan Construction a soutenu à un moment de leur carrière des personnalités aussi différentes que H. Ciriani, L. et S. Goldstein, Y. Lion, J. Nouvel, Ch. de Portzamparc ou J. Renaudie. Le grand nombre de pistes explorées laisse néanmoins deux regrets : l’abandon de l’ “ habitat intermédiaire ”, typologie inventée au milieu des années soixante mais développée ensuite avec un succès public non démenti ; le rétrécissement en peau de chagrin des logements à grande surface dans les expériences successives de Jean Nouvel . L’habitat intermédiaire aurait pu être la troisième voie entre le collectif et l’individuel dans une France qui ne connaît pas, ou si peu, les maisons en bandes communes au Nord comme au Sud de l’Europe. Les Français ont d’autant plus préféré le type authentique de la maison sur sa parcelle que le système bancaire et l’industrie pavillonnaire se sont unis pour les satisfaire. Quant aux logements à grande surface que J. Nouvel ne souhaitait pas voir loués plus cher, puisque leur coût de construction ne dépasserait pas celui des HLM ordinaires , l’infortune relative de deux de ces opérations (à Nîmes et Bezons) tient autant au montant effectif des loyers ou aux carences de la maintenance qu’à leur conception architecturale. En particulier, la dérive du projet le plus radical, celui de Nîmes (Nemausus 1) (fig. XXX), est également imputable à la maîtrise d’ouvrage, qui a court-circuité les offices HLM, et au gestionnaire, non préparé à maintenir en surface un tel navire. Les innovations techniques et architecturales mises en œuvre dans Nemausus 1 ne justifieraient-elles pas que celui-ci, comme l’Unité d’habitation de Marseille, soit protégé au titre des monuments historiques, si ce type de mesure est la condition nécessaire au sauvetage du témoin le plus sûr de l’architecture du logement des années quatre-vingt, posé par un des premiers architectes français du moment ? A moins que l’on préfère transférer les charges sur les occupants, en vendant Nemausus en copropriété, comme il fut fait, là aussi avec succès, pour l’Unité d’habitation de Marseille, vu que le meilleur moyen de conserver le patrimoine collectif est encore de le convertir également en patrimoine individuel.
La première innovation du Plan Construction est assurément celle de sa propre création. Ceci n’épargne pas de s’interroger sur le sens et sur les objectifs de l’innovation dans l’architecture du logement, aujourd’hui forcément différents de ceux d’il y a trente ans, quand le béton des derniers grands ensembles encore frais, il était facile d’opposer routine et innovation, quantité et qualité. N’oublions pas non plus que la Reconstruction et les premiers grands ensembles ont vu la mise au point de procédés expérimentaux décisifs . Enfin, dès 1960, P.-H. Chombart de Lauwe avait considéré que, avec l’ “ expérimentation empirique (…) des laboratoires improvisés que sont les cités nouvelles ” , c’était l’observation du mélange social qui était expérimentale, que les architectes aient eu, ou non, une réelle intention dans ce sens. Cette façon de construire l’objet de l’expérimentation détache celui-ci de la politique expérimentale officielle, qui n’est pas la condition nécessaire ni suffisante de l’expérimentation, cette politique n’ayant d’ailleurs pas prétention à la représenter in absoluto. En effet, il faut adapter à l’architecture la notion d'expérimentation, qui n’est pour elle qu’une métaphore du travail de laboratoire et de l’aller-retour entre théorie et pratique, entre conceptualisation et expérience in situ. Dans un grand nombre de cas, l’innovation et l’expérimentation apparaissent ainsi comme une interprétation, par des observateurs, de pratiques que les architectes intègrent pleinement dans leur métier. Deux exemples illustreront les ambiguïtés de l’attitude expérimentale.
En 1988-1992, Y. Lion expérimente à Villejuif ce qui avait été jusqu’alors une recherche pour le Plan Construction et des dessins-manifeste : une “ façade active ” de chambres-salles de bains (supprimant l’habituelle salle de bains indépendante) et de cuisines dont l’architecte aurait voulu industrialiser la fabrication et la pose. Peu après, à Marne-la-Vallée (1989-1993), il présente un compromis à la façade active initialement proposée, mais refusée par le maître d’ouvrage. La typologie de logements qui en résulte est moins inventive, plus conforme aux conventions des usages sans être toutefois conventionnelle (fig. XXX). Les critiques et les éditeurs ont préféré la cellule de Villejuif, les habitants, celle de Champs-sur-Marne, mais le passage par celle de Villejuif n’était-il pas nécessaire pour parvenir à la seconde ?
Un autre exemple est donné par l’immeuble-villas construit par B. Paurd à Vitry-sur-Seine (1991-1993). Jardinets suspendus en transition entre la coursive et les appartements, triplex à double orientation, utilisation d’un matériau léger comme séparatifs entre logements ont signalé ce bâtiment comme “ un événement dans la production française de logements ” (fig. XXX). Réalisé sans le soutien du Plan Construction, qui a mis un frein à sa politique expérimentale, il n’a donc pas non plus été l’objet d’une évaluation socio-architecturale. L’architecte qui, comme ses confrères, ne retourne pas volontiers sur les lieux de ses œuvres, ignore le sort des multiples dispositifs qu’il a mis en place, et donc la pertinence de leur reconduction, de leur correction ou de leur abandon. De son côté, le maître d’ouvrage a dû porter seul les surcoûts de ces dispositifs —dans l’économie du logement, on voudrait le sur-mesure au prix du prêt-à-porter. Les labels officiels ne donnent plus lieu à une aide financière directe ; ils rendent néanmoins visible la situation expérimentale, partagent entre différents acteurs la responsabilité du succès ou de l’échec et encadrent les conditions de reproductibilité des dispositifs.

Critiquer ou évaluer, chacun son métier

Qu’il soit monté ou non par les agences de l’Etat, le théâtre de l’expérimentation ne se réduit pas à un affrontement entre producteurs et évaluateurs, car chacun s’interroge désormais sur le statut des notions induites par la modernité (création, innovation, avant-garde), à l’intérieur de la discipline architecturale et face au public, les locataires captifs d’autrefois cédant la place à des clients énonçant des préférences. Le décryptage de la boîte noire de la conception a fait un détour du côté des sciences et des techniques, en s’écartant des chemins de la création artistique qui ont longtemps été les seuls empruntés – celle-ci étant par ailleurs l’objet des mêmes interrogations. Tous les chercheurs (M. Callon, M. Conan, B. Haumont, R. Hoddé, R. Prost, Fr. Rathier , etc.) s’accordent sur le caractère collectif, itératif, négocié, contradictoire de la conception architecturale, sur les fausses oppositions entre création et exécution, entre texte et contexte, entre microcosme de l’agence et macroéconomie du champ. La question sur qui-fait-quoi dans les agences reste un tabou, que certains patrons font partiellement tomber en collégialisant leur nom (ex. : Renzo Piano Building Workshop, Atelier Ricardo Bofill, Ateliers Lion), alors que d’autres ont toujours mis en avant le collectif (AUA, Atelier de Montrouge, AREA, Architecture Studio, Avant-Travaux, etc.). On pourrait croire que les cartons des architectes sont pleins d’architecture de papier attendant seulement la rencontre avec un maître d’ouvrage pour passer à l’acte ; en fait, ce que l’on voudra bien appeler la créativité ou l’invention, sans avoir besoin d’une définition formelle, est un organe qui n’est actif que sollicité. Les concours jouent ce rôle, pour autant que les candidats connaissent les attentes du jury : façade accrocheuse mais plans de logements conformistes si tel est l’air du temps, même dans les concours Europan, où l’innovation typologique n’est plus de mise . L’équation “ innovation = qualité ”, sans doute vraie lorsqu’il était demandé aux architectes d’ouvrir des voies nouvelles pour le logement, ne l’a plus été lorsque ces voies sont devenues les boulevards de la surenchère et que l’architecture s’est enrichie de courants nouveaux – proliférant, urbain, historiciste, monumental, etc. Certains des architectes identifiés comme innovateurs refusent d’ailleurs ce titre et revendiquent, de fait, celui d’une revue d’architecture évoquée infra, en déclarant travailler selon un mouvement propre au métier d’architecte : et à la définition de l’œuvre ; et au nom de la continuité de leurs propres thèmes architecturaux (ex. : la façade active, les différences de niveaux, les typologies complexes, le grand logement) : et de celles des conventions sociales et architecturales héritées des cultures de l’habiter ; et de la culture architecturale. En France, la critique architecturale était plus engagée quand, précisément, les architectes intellectuels étaient, eux, moins engagés dans la construction : critiquer ou construire, il faut choisir, semble-t-il. Comme en Italie encore aujourd’hui, l’activité d’enseignement et de publication, formant milieu à part, pouvait animer un débat, qui s’aventurait cependant peu du côté de la critique des œuvres. Par exemple, en 1986, au moment où la revue AMC (Architecture, mouvement, continuité) était dirigée par J. Lucan, le critique Ch. Devillers, en charge d’un dossier exceptionnel de quatre-vingt huit pages consacré à quatre opérations de logement seulement, énonçait les limites de sa position et reconnaissait ne pas pouvoir adopter la position critique du point de vue de l'usage, puisqu'il ne pouvait en parler que “ du point de vue très partiel et particulier qui est la manière dont le projet représente et intègre cette question de l'usage ” . Il admettait d'ailleurs que, s'il imaginait que ces logements n’étaient pas trop mal vécus, il n'en avait “ aucune preuve et [pouvait] aussi bien supposer le contraire ” . La critique n’est certes pas absente du grand-quotidien-du-soir, ni de la tribune de critique d’architecture animée par F. Chaslin , ni encore de certaines livraisons de revues d’architecture, telles Le Visiteur, lorsque, comme son titre l’indique, elle emmène ses lecteurs dans des visites guidées sans complaisance. Toutefois, partout où la critique de bâtiments existe, elle n’est jamais que l’expression de la subjectivité du critique, lequel, pour spirituel ou caustique qu’il soit —c’est en général ce qu’on attend de lui—, ne représente qu’un point de vue, validé seulement par la légitimité qu’il acquiert dans le champ.
En comparaison, l’évaluation sociologique des usages est-elle scientifique ? Du moins tend-elle à une objectivation de la réception des œuvres architecturales par l’observation des pratiques, au moyen du recueil de la parole des habitants et du relevé des espaces habités. La scientificité des sciences sociales est un débat qui agite les sociologues, pas les architectes, lesquels renvoient les premiers à leurs divergences d’approche et à l’illisibilité de leur résultats. L’enquête interroge l’œuvre dans ses conditions d’usage par ses occupants, dont les situations résidentielles sont une notion proche de celle des “ situations construites ” , c’est-à-dire de la situation du bâtiment élargie à la commande, aux enjeux, aux stratégies de la maîtrise d’ouvrage, tous objets de la critique du Visiteur. Il est généralement reproché à la critique architecturale d'être le porte-parole des architectes ; les sociologues ne sont-ils pas les porte-parole des habitants ?
Il y a déjà longtemps que P. Bourdieu a démasqué la neutralité scientifique. Le virage de sa démarche dans La Misère du Monde, où les témoignages oraux sont livrés bruts, introduit la compréhension comme moyen de l’explication : la manière avec laquelle le sociologue prend parti pour l’habitant est d’abord une manière de connaître les conditions sociales dont celui-ci est le produit. P. Bourdieu, dont l’engagement n’est pas simplement scientifique, va au-delà de la position historique tenue par la plupart des sociologues de la vie quotidienne, compagnons de route de la classe ouvrière—quand bien même, selon le mot de R. Cornu, celle-ci “ n'est plus ce qu'elle n'a jamais été ” . P. Bourdieu n’évalue pas : toute évaluation venant d’en haut ne pourrait que trahir la parole de ceux d’en bas. Dans les évaluations socio-architecturales —les nôtres y compris— réalisées pour le Plan Construction, la parole populaire y est effectivement quelque peu écrasée au nom d’une perspective politique d’efficacité, à la manière dont, en photographie, on dit que la vue de loin au moyen d’une grande focale écrase les perspectives. Le risque de voir de trop loin est le même que celui de la prétention à voir loin. Le rapport au terrain et à la théorie est posée dans des termes très voisins par l’évaluation sociologique et par la critique architecturale appelées à parler des œuvres architecturales. L’une et l’autre adoptent le point de vue de l’objet dont elles parlent, tout en devant se référer à une idée théorique de l’architecture, qui est le symétrique de la position théorique du sociologue. Rien n’empêcherait donc sur le fond architectes et sociologues de travailler en interdisciplinarité sur les mêmes bâtiments, si ce rendez-vous ne se révélait exceptionnel, la commande de critique et celle d’évaluation ayant leurs propres logiques de circonstances scientifiques et éditoriales.

Usage vs architecture : l’espace des possibles

Le bilan de l’expérimentation officielle et “ improvisée ”, pour reprendre le mot de P.-H. Chombart de Lauwe, est une opération comptable peu sûre, dans laquelle les profits et les pertes ne s’additionnent pas. La plasticité du couple espace-usage ne doit pas être confondue avec la flexibilité du logement lors d’expériences architecturales plus ou moins heureuses. Sans la flexibilité du type architectural, en tant que structure de correspondance entre espace et usage, il n’y aurait ni variations typologiques ni même architecture, puisque chaque type (dans l’habitat collectif : l’immeuble haussmannien, l’immeuble de rapport, l’HBM, la barre, la tour, etc.) devrait être simplement reproduit. B. Huet a nommé “ type collectif contemporain ” la distribution du logement que nous connaissons tous : couloir central, séparation jour/nuit, salle de bains au fond du couloir entre deux chambres. De son côté, Ch. Moley a démontré que la fameuse séparation jour/nuit était davantage une norme inconsciente, un habitus produit par les maîtres d’ouvrage, les ingénieurs et les architectes, qu’une prescription réglementaire . Les liens réciproques entre typologie et usage sont ceux de l’œuf et de la poule. L’usage a fini par consacrer le type collectif contemporain, selon un ajustement très approximatif entre l’offre des professionnels et la demande des habitants. Ce type ne correspond toutefois à rien de plus qu’à un goût moyen, qu’à une majorité statistique qui peut être l’outil des politiques et des programmateurs mais ne devrait pas être celui des concepteurs.
Les enquêtes disent bien que le tableau de correspondance entre la typologie et les pratiques compte un nombre illimité de solutions, en admettant bien sûr que soit desserré le nœud qui étrangle le logement social : la conception d’un trois-pièces de cinquante-cinq mètres carrés relève davantage du jeu de tangram que de l’architecture.
Regardons la distribution du logement collectif : les pratiques sont suffisamment diversifiées selon l’appartenance sociale, les styles de vie et, surtout, la composition du groupe domestique, pour que plusieurs types de distribution soient possibles : un séjour “ traversant ” et commandant les chambres (ce qu’ont réalisé J. Dubuisson, R. Bofill ou R. Piano dans certains de leurs projets , (fig. XXX) ou bien son contraire : un large couloir de circulation avec éventuellement, inversion de la partition jour/nuit en positionnant les chambres près de l’entrée et le séjour au bout du couloir (ex : la réhabilitation des bâtiments de l’Arsenal, boulevard Morland à Paris-IVe, par Y. Lion ; les propositions de certains architectes bâlois, tels que Diener et Diener ou R. Senn). Aucun dispositif architectural n’est universel ni à proscrire dans l’absolu ; chacun agit en interaction avec les autres et à la lumière des variables discriminantes que sont le statut d’occupation, la localisation et le coût. Depuis H. Raymond , on sait ce qui fait la pauvreté de l'architecture du logement : une géométrie simplifiée sur le modèle de la caserne, une façade plate, une entrée étroite, des fenêtres réduites au minimum, bref, tout ce qui peut signifier, au sens propre, l’Existenzminimum. Les matériaux sont l’objet d’une véritable morale : sont refusés les matériaux bruts, non travaillés (comme leur nom l'indique), non finis, les matériaux de l'industrie qui évoquent l'usine et le monde du travail plus que celui de l'habitation, les couleurs vives qui “ se font remarquer ” alors que la pudeur est de mise. Or la modernité, c'est aussi la déqualification des bâtiments et son corollaire, la mauvaise qualité du second œuvre.
Les habitants ne demandent pas pour autant de l'ornement, même si les façades des immeubles bourgeois du siècle dernier sont enviées pour la richesse qu'elles sont supposer exprimer. Ils n'exigent pas non plus les soi-disant signes de la moyenne bourgeoisie —typologie de l'immeuble traditionnel, revêtement des façades en pierre, toit en zinc parisien comme l'on en trouve désormais dans la plupart des programmes de la promotion privée dans la région parisienne. Le travail du promoteur et de l'architecte doit exprimer des intentions qui sont autant d'attentions envers l'habitant, la pauvreté de l'architecture de l'immeuble signifiant celle de ses habitants. Mais c'est surtout l'usage pratique qui place la modernité au pied du mur. Le confort dans sa dimension ergonomique et fonctionnelle, la lumière, le prolongement extérieur (loggia ou terrasse) ne sont certes pas suffisants en soi (voir ce que sont devenus certains des “ grands ensembles ”, qui en étaient pourtant pourvus) ; ils comptent tout de même parmi les fondations de l'habiter domestique moderne.

Conclusion

La combinatoire des manières d’habiter forme une matrice illimitée ; ce n’est pourtant pas pour cette raison que les réponses architecturales possibles sont elles aussi en nombre infini. Les unes et les autres ne se correspondent pas terme à terme, sinon la ménagère de moins de cinquante ans élevant seule ses deux enfants mâles et préférant prendre ses repas dans la salle de séjour exigerait un logement différent de sa belle-sœur mariée et mère de deux filles habituées à dîner dans la cuisine. La plasticité des pratiques rencontre celle des espaces, pour peu que soit respecté un petit nombre d’interdits suffisamment bien identifiés par la connaissance des usages pour que le dialogue conception-réception ait lieu. Loin de fermer la conception du logement, les savoirs sociologiques peuvent être alors des guides pour son renouvellement. Ainsi que le suggère Fl. Champy , il serait certes préférable de faire appel aux concepteurs les plus engagés dans la relation de service, dimension du métier d'architecte assurément à promouvoir. La relance de la recherche typologique dans le logement pourrait être ciblée sur des thèmes bien définis (ex. : l’habitat intermédiaire, la grande surface, les prolongements du logement, les parties communes, les matériaux de second œuvre, etc.). L’objet de consommation et le bien culturel qu’est aussi le logement inclut celui-ci dans les jugements de goût, pour son intérieur évidemment, et pour son architecture. La critique déplore que la prise en compte de la demande nivelle par le bas l’architecture de la promotion privée et, par contagion, celle du logement social. Mais il faut voir aussi comment, aujourd’hui, dans le secteur de la maison individuelle, réputé le plus conformiste, la singularité de la demande exprime le mieux le besoin d’individualité —juste retour de l’appellation. Après deux décennies au cours desquelles les architectes ont regardé passer le train du marché de la maison individuelle, quelques rebelles, encouragés par des pouvoirs publics soucieux de qualité architecturale , entreprennent de montrer leur savoir-faire à une population qui compte forcément son un-pour-cent culturel. Même si le mouvement initié à Bordeaux n’est qu’une goutte dans un bassin d’Arcachon dont les rives étaient déjà bien loties en maisons remarquables, il ne pourra plus être dit que l’architecture est absente de la maison individuelle.

Résumé :
En France, le renouvellement de l’architecture du logement a été le plus intense dans les années 1970 et 1980, qui, pour deux ou trois monstres, ont vu naître quelques sujets brillants et ont fondé le rapprochement entre architectes et sociologues préoccupés par les questions touchant la conception, l’innovation, l’usage.
L’évolution des manières d’habiter est l’objet d’un débat permanent : les transformations démographiques et sociétales ont des implications sur la structure et la fluidité du parc de logements, tandis que les modes de consommation et les goûts culturels croisent les variables de la composition du groupe domestique pour faire émerger une demande de diversité architecturale, y compris dans le secteur de la maison individuelle.

Abstract :
In France, the renewal of housing architecture was the most intense during the 1970’s and 1980’s which despite certain “ monstrosities ” gave rise to a number of brillliant realisations and brought architects and sociologists closer together in the fields of conception, innovation and uses.
The evolution of life styles is a subject of a permanent discussion. Demographic and social transformations influence the structure and mobility of the housing stock. A demand of diversity in the architecture of housing (including detached houses) is the consequence of social change in modes of consumption and the structure of the family.

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